The Rite of Spring

 

Musique : Igor Stravinski

Chorégraphie : Patrick De Bana

Dramaturgie et livret : Jean-François Vazelle

Scénographie : Alain Lagarde

Costumes : Stephanie Bäuerle

 

 

Création mondiale le 11 juin 2013 à l'Opéra de Novossibirsk.

 

Le ballet obtient quatre  nominations aux prestigieux Golden Mask Awards de Moscou 2014.

 

Création au Shanghaï Ballet le 21 juin 2017.

 

 

 

Le Sacre Mai 1913.

 

Voici les notes de programme que les spectateurs avaient entre leurs mains lors de la première représentation, le 29 mai 1913 :

Premier tableau : L'Adoration de la terre.

Printemps. La terre est couverte de fleurs. La terre est couverte d'herbe. Une grande joie règne sur la terre. Les hommes se livrent à la danse et interrogent l'avenir selon les rites. L'Aïeul de tous les sages prend part lui-même à la glorification du Printemps. On l'amène pour l'unir à la terre abondante et superbe. Chacun piétine la terre avec extase.

Deuxième tableau : Le Sacrifice.

Après le jour, après minuit. Sur les collines sont les pierres consacrées. Les adolescentes mènent les jeux mythiques et cherchent la grande voie. On glorifie, on acclame Celle qui fut désignée pour être livrée aux Dieux. On appelle les Aïeux, témoins vénérés. Et les sages aïeux des hommes contemplent le sacrifice. C'est ainsi qu'on sacrifie à Iarilo, le magnifique, le flamboyant6 [dans la mythologie slave, Iarilo est le dieu de la nature]. »

 

Chacun des deux grands tableaux débute par une introduction et comprend un certain nombre de danses menant à la Danse de la terre ou à la Danse sacrale. Voici les titres donnés à chacune des danses du Sacre du printemps :

 

Premier tableau : L'adoration de la terre

  • Introduction

  • Augures printaniers - Danses des adolescentes

  • Jeu du rapt

  • Rondes printanières

  • Jeu des cités rivales

  • Cortège du Sage

  • L'Adoration de la Terre

  • Danse de la terre

Second tableau : Le sacrifice

  • Introduction

  • Cercles mystérieux des adolescentes

  • Glorification de l'élue

  • Évocation des ancêtres

  • Action rituelle des ancêtres

  • Danse sacrale

 

Le Sacre juin 2013.

Chacun connait les circonstances de cette tumultueuse et controversée création, révolutionnaire à bien des égards. La presse ne vit alors que cacophonie insupportable, raideur, laideur et propos abscons...

Un siècle plus tard, la tentation est forte de penser qu'avec Nijinsky, Béjart et Pina Bausch tout a été dit.

Et puis...

A l'écoute de la prestigieuse et mythique partition, à la lecture des écrits laissés par les protagonistes de ce Sacre, se découvre un formidable message d'encouragement à imaginer, à créer, à bousculer la norme pour rester dans la ligne de pensée de ce trio d'exception : Diaghilev-Stravinsky-Nijinsky.

Le premier nommé a laissé ce qui résonne comme un perpétuel défi aux générations futures : « Etonnez-moi ! ».

Nijinsky récuse les bases sacrées de la danse classique et l'on put constater qu'il y eut de facto un avant et un après ce Sacre.

Le plus incitatif à se confronter à notre propre vision, c'est le compositeur lui-même.

En effet, avant d'en écrire la première note, et alors qu'il travaille encore à son Oiseau de feu, Igor Stravinski est « visité » par son futur chef-d'oeuvre.

Des années plus tard il évoquera cette « vision » dans ses Chroniques : « J'entrevis dans mon imagination le spectacle d'un grand rite sacral païen... ».

C'est, de fait, cette « vision rituelle » qui impressionne tellement les contemporains :

« … Il (Nijinsky) a ouvert la route à bien d 'autres tentatives, il fait bloc avec un esprit moderne postérieur à lui. Il a fait leur place à l'instinct primitif et à l'expression du sentiment dans son absolu. Cela va loin, jusqu'à la découverte des folklores nègres, indiens et les danses d'initiation... J'avoue avoir éprouvé quelque trouble au premier jour. Tout cela était si nouveau et nous échappait...

Depuis, les premières traversées de l'Afrique n'ont fait que justifier l'audace, alors insupportable à beaucoup, des sauvages accents du Sacre. ».

 

A l'évidence, ce XXIème siècle se veut religieux, parfois même dans une acception des plus regrettables, comme, pour l'exemple les excès, les intégrismes que l'on voit se développer ici ou là.

Par ailleurs, jamais l'homme n'a su organiser plus larges, plus universelles célébrations laïques à l'instar, des cérémonies d'ouverture des Jeux Olympiques, de la Coupe du Monde de football pour lesquelles on parle bien de « communion universelle ».

 

Dans l'esprit, c'est un peu tout cela qui oriente notre vision du Sacre : Une célébration rituelle, universelle dansée et animée du plus fervent paganisme.

Pour la forme, nous évoquions récemment le rôle des accents dans le langage parlé comme témoins de nos origines. Le parallèle avec la danse est un lieu commun : la syntaxe est chorégraphie dont les mots en sont les pas.

Mais, si dans sa danse, la langue maternelle est classique, l'accent originel Yoruba devra venir comme une enluminure, enrichir, colorer le propos du chorégraphe.

D'ailleurs, cette liberté dont le seul impératif serait la musicalité, nous est donnée par Stavinsky lui-même qui, prenant par la suite quelques distances avec la chorégraphie originale écrit ceci :

« L'impression générale que j'ai eue alors, et que je garde jusqu'à présent de cette chorégraphie, c'est l'inconscience avec laquelle elle a été faite par Nijinski. On y voyait tellement son incapacité à assimiler et à s'approprier les idées révolutionnaires qui constituaient le credo de Diaghilev et qui lui étaient obstinément et laborieusement inculquées par celui-ci. On discernait dans cette chorégraphie un très pénible effort sans aboutissement plutôt qu'une réalisation plastique simple et naturelle découlant des commandements de la musique ».

 

Le Ballet.

Avant tout, conserver l'esprit de la partition, cette célébration d'un rite païen universel qui pourrait - pour rendre hommage au Maître Maurice Béjart - se donner comme une nouvelle Messe pour le temps présent...

S'il fallait trouver l'illustration du chemin à suivre, ce serait celle d'une évocation impressionniste ; celle qui note de fugitives impressions plutôt que d'exposer l'aspect stable et conceptuel des choses.

Suggérer, ouvrir des horizons et les thèmes les plus universels sans jamais rien imposer, en laissant transpirer ici ou là, l'africanité des racines Yoruba du chorégraphe mais également, les croyances et rites transversaux aux civilisations et aux croyances.

Ecrire une fable contemporaine illustrative de la société violente de ce début de XXIème siècle dans une forme d'expression tenant à la fois du rituel, de la transe païenne ou sacrale en puisant aux sources même du Sacre : la Terre et l'Eau dans ce qu'elles ont de plus noble.

L'une nourricière, l'autre source de vie, qui se mélangeant forment la Boue, parfaite image de la déchéance et de l'avilissement.

 

Les personnages.

 

« Downsiders ».

Ils seront ici les porte-voix des asservis, des « intouchables », des migrants de la misère et de la faim qui viennent s'écraser sur les barbelés de Mélilia.

Ils seront ces « taupes » qui tentent de survivre dans les égouts de Vegas, de Bucarest, de Bogota ou d'ailleurs.

Ils seront ces miséreux de tous pays, rançonnés et bastonnés par des « macoutes » sans foi ni loi.

Par l'expression chorégraphique ils deviennent une forme d'archétype de l’oppression, de la misère sous toutes ses formes.

Ils se découvrent « communauté », prennent conscience d'un collectif fort dans l'union.

Ils ne sont rien, mais ils sont fiers.

Ils n'ont rien mais ils sont dignes.

Ils sont primitifs, mais jamais primaires.

Ils ont le bon sens intelligent des « gens de la terre ».

 

Parmi eux, le « One and One is One ».

Un double inséparable, des siamois autonomes mais jamais indépendants. Un être troublant, fascinant, ambiguë...

Est-il de nature fraternelle, incestueuse, autoérotique ? Sans doute tout cela à la fois.

La « gémellité  parfaite » !

Ce phénomène fascine toutes les civilisations et plus particulièrement les Yorubas qui nomme les jumeaux, Ibéji. Selon le regard porté sur eux, ils sont à exterminer ou à élever au rang de divinité.

Par delà ses racines africaines, notre Ibéji est une sorte de messie universel.

Il est Jésus venu pour le salut des âmes de ses fidèles.

Il est Moïse qui ne peux rester en Egypte car il doit conduire son peuple vers la Terre promise.

Il est aussi le Bodhisattva sanscrit. Celui qui, humain ou divin, a atteint une telle élévation spirituelle qu'il devrait être à jamais libéré des contingences existentielles et atteindre le Nirvana. Pourtant, il n'y entrera que plus tard car il a fait le vœu de veiller sur ses congénères et de les protéger tel un ange gardien avant que de penser à son propre Salut.

Enfin dans la légende, à l'instar de notre Ibéji, le Bodhisattva est doté d'une « puissance » personnifiée sous la forme d'une femme dont il devient inséparable.

 

« Upsiders »

Reprenons une définition issue de la société Yoruba : Les Songyes, une société qui fonctionne comme un organe de contrôle au service de l'élite dirigeante. Elle aide les autorités à maintenir leur pouvoir économique et politique. Les dirigeants n'ont aucun scrupule à faire appel aux forces surnaturelles sous forme de magie ou de sorcellerie..

Ils ne sont en fait que des nantis, des gourous, des faux-prophètes, des imposteurs et des manipulateurs de tous ordres, voire même de tous ordres sectaires.

 

Argument.

Un espace intemporel, comportant plusieurs niveaux.

Des ténèbres vers la lumière.

Peu à peu, du néant émerge et se forme l'Ibéji – un être duel, à la fois homme et femme. Il sort de nulle part, du ventre de païennes catacombes.

Il a la prescience de son extraordinaire Destin, il connait sa mission, il sait parfaitement ce pourquoi il « est ».

Tout au long du ballet, il grandira dans cet irréversible parcours initiatique, salvateur de son peuple.

Car en effet, il est un Downsider, de ce monde obscur ou misère et désespérance font le lit des gourous et des faux prophètes et des dictateurs.

Il sera leur espoir.

C'est lui qui va leur redonner la foi en leurs valeurs intrinsèques, la Foi en eux-mêmes dans laquelle ils vont puiser la force de résister. Grâce à l'Ibéji, ils prennent conscience de la puissance du collectif.

Car de fait, ils sont confronté à la convoitise, la soif du pouvoir, de la conquête, de la « bien-pensance » des Upsiders, ceux qui savent et veulent imposer leur civilisation – la seule qui vaille-.

Face à ces agressions, ils opposent la spiritualité retrouvée en procédant à l'ancestrale Cérémonie de la Boue sur l'Ibéji qui, à l'instar de Salomé, va par sa danse exprimer toute sa grâce magnétique et son irrésistible séduction.

« Ceux d'en haut » seront contraints de se rendre à l'évidence : Les Downsiders ont trouvé une force nouvelle : leur propre destin.

 

Alors que danse l'Ibéji, se produit un phénomène que l'on appelle la pluie merveilleuse ou pluie de sang. N'en connaissant pas les explications rationnelles et scientifiques, tous y voient LE signe et bouleversés, enivrés ils communient dans la célébration de la Vie nouvelle.

 

Synopsis.

I - Révélation des « Downsiders »

1/ Introduction.

L'Ibéji puis les Downsiders.

Une faible lueur tombe des cintres.

On distingue un être duel, étrange, à la fois Homme et femme, la gémellité poussée à la perfection : L'Ibéji. Plus proche des Dieux que des humains, il pressent son destin fatal dans une acceptation rendue sereine puisque porteuse du salut de son peuple.

A sa suite, de partout sortent des êtres dépenaillés, apeurés, sans doute affamés, comme s'ils revenaient d'un pénible isolement, d'une douloureuse hibernation.

 

II - Fête de l'Union.

2/ Les augures printaniers.

Les Downsiders.

Ils expriment le bonheur de se retrouver, de ne plus être seuls mais protégés par l'Ibéji.

 

III - « Upsiders ».

3/ Danse des adolescentes - 4/ Jeu du rapt.

Les Upsiders.

Irruption quasi militaire des « Upsiders ». Par une danse guerrière, ils font une véritable démonstration de force visant à intimider les Downsiders.

S'ils ne font que passer, les Upsiders promettent de revenir imposer leur loi...

 

IV – Intronisation de l'Ibéji

5/ Rondes printanières.

L'Ibéji.

Danse incantatoire de l'Ibéji qui, non seulement accepte le sacrifice pour le bien de tous, mais fait corps et âme avec ce Destin en marche.

 

V – Action de grâce

6/ Jeu des cités rivales.

Les Downsiders.

Restés seuls, les Downsiders, rendant hommage et jurant fidélité à l'Ibéji, décident d'affronter l'envahisseur.

 

VI - Invasion et résistance.

7/ Cortège du Sage - 8/ L'Adoration de la Terre (Le Sage) - 9/Danse de la terre.

Tous

Les Upsiders rôdent toujours cherchant à circonvenir quelques Downsiders qui pourraient entraîner les autres. Mais, ces derniers ont désormais pris conscience de la force et du trouble que ressentent les étrangers en la présence de l'Ibéji.

Si tous dansent, on distingue bien deux groupes et deux incommunicabilités totales.

 

VII - Grâces rendues à l'Ibéji.

10/ Introduction – 11/ Cercles mystérieux des adolescentes.

L'Ibéji et tous les Downsiders.

Le danger semble momentanément écarté, la communauté célèbre ces instants de sérénité. Ils doivent commencer à préparer l'intronisation de l'Ibéji par la très prochaine Cérémonie de la Boue.

 

VII – Le défi.

12/ Glorification de l'élue.

Tous.

C'est le retour des Upsiders, sous le regard attentif des Downsiders qui entourent l'Ibéji. Les deux groupes s'observent à distance. Tandis que dansent les étrangers, les Downsiders, entourent l'Ibéji pour procéder à la Cérémonie de la boue, symbole de repentance mais également de fécondité et d'espoir. Ils enduisent l'Ibéji dans un lent et beau cérémonial.

 

VIII – Rédemption.

13/ Évocation des ancêtres – 14/ Action rituelle des ancêtres.

L'Ibéji.

L'Ibéji, sauvage et martial - à l’instar de la partition - fait toute la démonstration d'une puissance mécanique saisissante et s'impose à tous comme l'image de la jeunesse et de la beauté.

Mais, par une sereine conscience de l'aboutissement du sacrifice originel, IL puise ainsi dans les forces obscures de ses racines, des lois et des rites ancestraux.

Tandis qu'au centre, dans une sorte de rond de lumière, l'Ibéji semble s'isoler de plus en plus pour entrer dans une forme de transe mystique, aux mouvements répétés et à peine perceptible, qui devra s'amplifier dans la danse sacrale finale.

 

IX – La pluie merveilleuse.

Tous.

15/ Danse sacrale.

Dans la suite de ce qui précède, toujours au centre de la scène, le mouvement de l'Ibéji prend de l'ampleur, tandis que la « pluie merveilleuse » commence à tomber, jetant le trouble sur tous.

Plus elle tombe et plus la danse de devient violente, les Downsiders commencent eux aussi à danser, certains qu'il s'agit là de la révélation du caractère divin de l'Ibéji. Ils sont bientôt rejoints par 1, puis 2, puis tous des Upsiders apeurés, désormais certains du pouvoir de l'Etrange. Tous s'unissent dans une ivresse collective et spontanée.

 

 

 Notes

 

1 - Jacques Rivière, Nouvelle Revue Française, novembre 1913.

« Mais il y a dans le Sacre du Printemps quelque chose de plus grave encore, un second sens, plus secret, plus hideux. Ce ballet est un ballet biologique. Non pas seulement la danse de l’homme le plus primitif ; c’est encore de la danse avant l’homme. Dans son article de Motjoie, Stravinsky nous indique qu’il a voulu peindre la montée du printemps. Mais il ne s’agit pas du printemps auquel nous ont habitué les poètes, avec ses frémissements, ses musiques, son ciel tendre et ses verdures pâles. Non, rien que l’aigreur de la poussée, rien que la terreur « panique » qui accompagne l’ascension de la sève, rien que le travail horrible des cellules. Le printemps vu de l’intérieur, le printemps dans son effort, dans son spasme, dans son partage.

Nous sommes plongés dans les royaumes inférieurs ; nous assistons aux mouvements obtus, aux va-et-vient stupides, à tous les tourbillons fortuits par quoi la matière se hausse peu à peu à la vie. Jamais plus belle illustration des théories mécanistes. Il y a quelque chose de profondément aveugle dans cette danse. Il y a une énorme question portée par tous ces êtres qui se meuvent devant nos yeux. Elle n’est pas différente d’eux-mêmes. Ils la promènent avec eux sans la comprendre, comme un animal qui tourne dans sa cage et ne se fatigue pas de venir toucher du front les barreaux. »

 

2 - LES JUMEAUX.

Autrefois, la naissance de jumeaux était considérée comme un événement inexplicable et elle était accompagnée de superstitions diverses. Ce phénomène était expliqué par une double paternité (deux pères différents), qui prouvait en même temps l’infidélité de la mère. Cette croyance engendrait donc le meurtre de la mère et des enfants.

En effet, les Yoruba croyaient qu'aucun être humain ne pouvait engendrer deux êtres humains à la fois. Donc, ils considéraient les jumeaux comme des êtres mystérieux, surnaturels, qui portaient malheur à leurs familles. Par conséquent à leur naissance, les deux jumeaux étaient tués et leur mère était rejetée du village.

Dans le monde, il y a une naissance gémellaire toutes les quatre vingt naissances. Dans le territoire Yoruba, il y a une naissance gémellaire toutes les vingt deux naissances.

Cela signifie qu'avec l'élimination de tous les bébés jumeaux, qui étaient considérés comme des êtres possédés par les esprits du mal, les Yoruba avaient un taux d'accroissement démographique beaucoup plus bas que les autres peuples africains. Pourtant cette décimation allait à l'encontre de la tradition des Yoruba. En effet, avoir un grand nombre d'enfants était le garant d'une vieillesse sans souci.

On ne sait pas quand exactement les Yoruba changèrent leur attitude face aux jumeaux. Une légende raconte, qu'il y a cent ans environ, une grande tristesse régnait dans les villages et dans les âmes de ses habitants. On consulta alors l'oracle d'IFA qui ordonna d'arrêter les meurtres des jumeaux et de les honorer dorénavant.

Une autre histoire raconte que le légendaire roi Yoruba AJAKA, frère du dieu SHANGO, arrêta le meurtre des jumeaux, après que sa femme eût mis au

monde deux jumeaux.

Quoi qu'il en soit, la situation et l'attitude face aux naissances gémellaires changea radicalement bien que lentement dans la première moitié du XIX° siècle. Petit à petit, les Yoruba commencèrent à croire que les jumeaux possédaient des pouvoirs surnaturels et qu'ils étaient capables d'apporter le bonheur, la santé, et la prospérité dans leurs familles. On devait donc les traiter avec respect et considération, leur donner les meilleurs aliments, les vêtements et les bijoux les plus beaux, et les combler d'attentions.

A leur naissance, on célèbre une fête, à laquelle prend part tout le village, et même parfois la population des villages voisins. Il s'agit d'une fête en l'honneur de la mère qui a accouché, ainsi qu'en l'honneur de toutes les mères de jumeaux. Une danse, réservée exclusivement à elles, est au centre des festivités, et certains mouvements de cette danse illustrent des demandes spécifiques de prospérité, de bonheur, de santé pour les jumeaux, de même qu'une protection contre le pouvoir maléfique des sorcières. Quelques jours après la naissance des jumeaux, le BABALAWO, c'est à dire le prêtre du village, rend visite aux nouveau-nés et il les voue à l'ORISHA IBEJI. Ensuite, il conseille à la mère les aliments recommandés, lui indique les jours de mauvais augure de la semaine ainsi que les animaux dangereux et les couleurs à éviter.

 

LE CULTE DES IBEJI

Dans la langue du peuple Yoruba, IBEJI veut dire jumeau : IBI = né et EJI = deux.

Dans la tradition religieuse des Yoruba, on considère que les jumeaux ont une seule âme, unie et inséparable. Pour cette raison, si un jumeau meurt, la vie du survivant est mise en danger, car son âme n'est plus en équilibre. La colère du jumeau mort peut faire courir de graves risques à toute la famille: en effet, sa colère peut apporter la maladie et la malchance, mais aussi provoquer la stérilité de la mère. Afin, d'éviter ces conséquences néfastes pour la famille, on doit rapidement trouver un moyen pour réunir à nouveau les âmes des jumeaux. Il est donc nécessaire de consulter le BABALAWO et par la suite de commander une petite figure en bois chez un sculpteur: cette figurine sera le siège de l'âme du Jumeau défunt. Le BABALAWO tient alors une cérémonie publique, qui a comme but le transfert de l'âme du jumeau mort dans la figure en bois. L'IBEJI est donc le gardien de l’âme du jumeau mort. Pour cette raison il est traité avec les mêmes soins attentionnés que le jumeau vivant. Lorsque, par exemple, la mère allaite le jumeau vivant, L’IBEJI est aussi positionné à l'autre sein ;lorsque l'enfant est nettoyé et lavé, l’IBEJI est lavé de même et enduit par la suite avec une masse rougeâtre, appelée CAMWOOD, qui est un mélange de bois rouge broyé et d'huile de palmier.

 

3 -

Il fallait être peint pour être un homme”, note Claude Levi-Strauss. Dans de nombreuses civilisations, de l’Afrique à l’Amérique du Sud, la forme humaine prend corps en peinture, dans le choix symbolique des pigments et des motifs. La peinture corporelle, rituel de passage ou bien de transformation, devient un marqueur d’identité.

Narayan, un mot sanskrit qui désigne “le refuge des hommes” et “l’énergie de l’eau”, s’inspire de différents rituels  et traditions de peinture corporelle éparpillés aux quatre coins du monde.

 

4 -

Le marécage et la boue s'associent pour fonder le même symbolisme, celui de la stagnation, de la souillure, de la décrépitude. La boue constitue le principe d'involution par lequel la terre en putréfaction, perd ses propriétés germinatives pour devenir porteuse de mort.

Ainsi dès l'antiquité grecque, les symboles mythologiques les plus fréquents du châtiment sont l'engloutissement par la boue, l'enlisement dans le marais.

Et ce n'est donc pas un hasard si le marécages et la boue constituent les images favorites des peintres de la vie urbaine africaine lorsque, désenchantés de la période post-indépendances, ils veulent illustrer la pénible réalité de la société corrompue où règnent désordre, crasse et le dénuement le plus total.

 

5 -

On appelle habituellement « pluies merveilleuses », des pluies formées d'objets, de végétaux ou de minéraux. Ces faits prodigieux ont été signalés depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours. Ainsi, les pluies de sang, qui marquèrent les Anciens et alimentèrent les croyances les plus diverses, restèrent de nombreux siècles des signes très forts aussi bien fastes pour les uns que néfastes pour d'autres. Evidemment aujourd'hui, la plupart de ces phénomènes a trouvé une explication parfaitement rationnelle. Ainsi, au XIX éme siècle , les spécialistes expliquèrent ces prétendues pluies de sang, très impressionnantes, dont la couleur rouge serait due à la terre, à des poussières de minéraux, ou encore à des papillons qui répandaient des goutes d'un suc rouge et qui se trouvaient balayés par les vents. Parmi les plus célèbres de ces pluies de sang, celle de 1551 à Lisbonne sema la terreur.

 

6 -

BODHISATTVA

Le terme sanskrit bodhisattva désigne des êtres (sattva), humains ou divins, qui ont atteint l'état d'éveil (bodhi). Ils devraient donc porter logiquement le nom de bouddha (« éveillé ») et être à jamais libérés des contingences existentielles. Le bouddhisme cependant, spécialement sous sa forme du « Grand Chemin » (Mahāyāna), enseigne que certains bouddhas suspendent, par compassion pour leurs semblables, leur entrée dans le nirvāṇa et veillent sur les hommes à la façon des anges gardiens. Ces « êtres d'éveil » sont donc, si l'on peut dire, des « bouddhas en sursis » dont l'action bienfaisante se fait sentir dans le monde spirituel. À l'inverse, le bouddhisme du « Petit Chemin » (Hīnayāna, ou Theravāda) rejette la notion de bodhisattva et professe que le sage (arhant) qui est parvenu à l'éveil devient automatiquement un buddha.