Cleopatra - Ida Rubinstein

Chorégraphie et Mise en scène de Patrick de Bana.

Dramaturgie de Jean-François Vazelle.

© Tous droits réservés SACD 2013-04-08-000028699

 

Ballet crée le 29 juin 2012

au

THÉÂTRE DES CHAMPS-ÉLYSÉES-PARIS

par le Ballet du Kremlin de Moscou en coproduction avec la Fondation Andris Liepa

 

Distribution

 

Ilse Liepa (Bolshoi Ballet) : Cléopâtre/Ida Rubinstein

Artem Yachmennikov (Bolshoi Ballet): Robert de Montesquiou

Mikhail Lobukhin (Maryinsky Theatre Ballet Company) : Michel Fokine

Ilya Kuznetsov (Bolshoi Ballet) : Monsieur G.

Mikhail Martinyuk (Kremlin Ballet) : Vaslav Nijinski

Natalia Balakhnicheva (Kremlin Ballet) : Tamara Karsavina

Alexandra Timofeeva (Kremlin Ballet) : Anna Pavlova

Veronika Varnovskaya (Kremlin Ballet) : Bronislava Nijinska

 

 

À propos de Cléopâtre.

 

En ce début de vingtième siècle, le ballet est à Paris un art sans connaisseurs, tout au plus un divertissement poussiéreux permettant d’admirer des jeunes filles légèrement vêtues.

Ce sont donc les critiques musicaux ou les critiques d’Art qui vont relayer la « saison russe ».

En impresario avisé, Diaghilev déclare « … Un véritable ballet devait comporter la combinaison parfaite de ces trois facteurs : musique, chorégraphie et peinture décorative. ».

Ainsi, plus qu’une création chorégraphique, Cléopâtre sera l’acte fondateur d’un renouveau du spectacle, d’un phénomène de mode et de société sans précédent.

Le soir du 2 juin 1909, Paris découvre un spectacle comme il n’en a jamais vu.

Un époustouflant décor de Léon Bakst, des danses d’un érotisme inédit en France et la fulgurante apparition d’Ida Rubinstein.

Lisons le comte de Montesquioux :

« La dame est nue sous des voiles gemmés… À peine voilée par un déshabillé aussi somptueux que transparent, … Elle mêle son corps souple, tel un serpent du Nil à celui musclé d’Amoun-Fokine, dans une danse d’amour, la salle est sidérée. »

À peine le rideau baissé, il se précipite dans la loge d’Ida. Robert de Montesquioux est sous le charme, il va mettre le tout-paris à ses pieds…

L’année suivante ce sera Shéhérazade, et même si la connaissance du ballet reste faible, la mode vestimentaire et ornementale seront modifiées et la vie parisienne bouleversée : les femmes réclament à Paul Poiret les turbans lamés, les robes rehaussées de pierreries et de fourrure de Shéhérazade, un cabaret portant ce nom s’ouvre rue de Liège…

Ida Rubinstein devient l’icône du Paris des arts, de ce Paris d’avant-guerre, capitale mondiale et cosmopolite de La Création artistique. Elle sera l’ambassadrice de « l’Art total ».

La femme est hors normes : richissime de naissance, cultivée, Ida n’est pas une danseuse, mais elle est belle, elle possède l’art du mouvement, elle est ambitieuse et assoiffée de succès théâtraux. Elle rêve de concurrencer Diaghilev et lui voler les faveurs du public Parisien.

Elle va mettre sa fortune (et celle de son amant, le magnat irlandais Walter Guinness) au service de ses ambitions.

Avec Robert de Montesquiou-Fezensac, elle trouve un guide, un entremetteur de génie qui va lui faire rencontrer tout ce que Paris compte de talents. Ce sera Gabriele D’Annunzio (follement épris d’Ida), puis Debussy, Ravel (à qui elle inspirera le Boléro), Sarah Bernhardt (qui lui donnera des cours de théâtre), Honegger, Milhaud, Cocteau, Claudel, Stravinsky… Et tant d’autres !

Jusqu’en 1939, Ida poursuit sans relâche sa carrière de productrice, de directrice de compagnie et, bien évidemment d’interprète. Mais cette femme moderne financera également des hôpitaux pendant les deux guerres mondiales, elle défendra activement la cause juive alors qu’elle-même est devenue une mystique catholique…

 

Ainsi, au-delà du ballet de Michel Fokine, c’est ce destin, cette vie que nous souhaitons évoquer par le prisme personnel d’Ida Rubinstein. Se souvenir de cette création, de son succès. Suivre simplement Ida dans l’errance de ses pensées, ses joies, ses angoisses, ses doutes alors qu’elle se prépare à incarner la divine Égyptienne.

Une suite d’instantanés où elle évoque des moments forts de sa vie et des êtres qui lui sont chers.

 

 

 

Les Personnages.

 

Ida Rubinstein : Travailleuse acharnée assoiffée de gloire, sa détermination, ses pouvoirs de séduction et de persuasion feront le reste. Ida devient peu à peu Cléopâtre.

Robert de Montesquiou : Beau, élégant et racé, intelligent, cultivé et raffiné ; l’archétype du Dandy. Ida l’appelle « Cher Grand Ami » et dit de lui : « Un homme d’exception m’a découverte et choisie comme une âme sœur. La communion avec un tel ami était un bonheur pour moi, son exemple enrichissait mon discernement en toutes choses. Il me comprenait et ne demandait rien de moi en retour, sinon ma présence, volontiers partagée. »

Michel Fokine : « Le Maître ». Grand danseur classique, Michel Fokine séduit la liberté de mouvement d’Isadora Duncan devient le Pygmalion d’Ida, dont il a perçu le potentiel artistique et la puissance de sa présence en scène. Ida écrit : « Fokine s’éprit de son élève et je me suis laissé faire…Certaines libertés furent vécues de concert, sans conséquence ».

Monsieur G. : Personnage duel, complexe. Pur produit de l’imaginaire d’Ida, il est « l’Homme Liberté ».

Cette liberté recherchée dans son mariage « Je m’étais vendue… J’avais aussi acheté une chose précieuse, une chose sans prix : ma liberté. ». Ou encore, celle offerte par sa liaison passionnée avec Walter Guinness : « Il était pour moi un homme qui ne pouvait m’offrir ni permanence, ni position dans le monde : uniquement aventure et liberté. C’est ce qui m’attirait en lui. »

Serge de Diaghilev : Le succès de cette Cléopâtre est indispensable pour l’avenir de la Compagnie. Pragmatique et sans état d’âme : Ida a de la présence, un certain goût pour le scandale, elle sera son interprète ! Présent mais distant, il attend avec impatience et inquiétude cette soirée du 2 juin 1909.

Vaslav Nijinsky : À l’instar d’Ânti, dieu égyptien qui faisait passer d'un monde à l’autre, Vaslav est pour Ida « Le passeur » du rêve à la réalité, le fil conducteur de cette évocation.

Tamara Karsavina, Bronislava Nijinska, Anna Pavlova : les partenaires.

 

Argument.

 

Instant 1. Dans la maison d’Ida à Vence.

Musique : Pavane pour une infante défunte (Maurice Ravel).

Ida, telle la jeune fille du Spectre de la Rose, est assise dans un fauteuil. Elle semble lasse, mélancolique, perdue dans ses pensées.

Au loin défilent des personnages familiers, réels ou imaginaires ?

L’un d’eux, Nijinski, sort du rang et entre dans la réalité d’Ida.

 

Instant 2. Dans un studio de danse.

Musiques : Mavra-Chanson russe (Igor Stravinsky), Suite No.2 For Small Orchestra-Galopp (Igor Stravinsky), Suite italienne-Serenata (Igor Stravinsky).

Ida et Nijinski entrent, Michel Fokine donne la classe.

« J'avais comme objectif non seulement de créer la danse de Cléopâtre, mais former également la danseuse. Svelte, longiligne et belle, elle m'apparu comme une matière intéressante avec laquelle j'espérais "produire" un personnage scénique exceptionnel ».

La classe se termine, le comte de Montesquiou-Fezensac entre. Il salue Ida, lui dit son admiration et l’invite à la soirée qu’il compte donner en son honneur.

 

Instant 3. Le Pavillon des Muses, demeure de Robert de Montesquiou.

Musiques : Symphony N°1 in E Minor, Op. 1-Allegro Assai (Nikolay Andreyevich Rimsky-Korsakov), Orchestral Suite N°4-Air de ballet(Jules Massenet), Ruses d'amour-Pallabile des paysans et des paysannes (Alexander Glazounov), Concerto In D-Arioso (Igor Stravinsky).

 

Montesquiou a organisé, en l’honneur d’Ida, une de ces soirées fastueuses dont il a le secret. Il y a invité tout ce que Paris compte de plus brillant.

Dès l’arrivée d’Ida, Robert de Montesquiou lui présente son ami M.G. comme l’un de ses plus fervents admirateurs.

Ida est très entourée. Chacun s’empresse pour attirer son attention. Ida grisée, passe de l’un à l’autre, sensuelle et provocante.

Dans ce tourbillon, elle retrouve Montesquioux et M.G.

 

Instant 4. Le Pavillon des Muses, demeure de Robert de Montesquiou.

Musiques : Concerto In D-Arioso (Igor Stravinsky), Piano Concerto In G-Adagio Assai (Maurice Ravel).

 

Les trois amis se sont isolés dans un salon privé.

Ida remercie Robert pour cette soirée. Les deux amis se jurent une indéfectible amitié.

Montesquiou s’éclipse, Ida succombe dans les bras de M.G.

 

Instant 5. Dans un studio de danse.

Musique : Incidental music to Pelleas et Melisande-Fileuse-Andantino quasi Allegretto (Gabriel Fauré).

 

Tous les artistes sont réunis. C’est l’effervescence : sous la direction de Michel Fokine, ils répètent sa prochaine création, Cléopâtre. Le Maître va de l’un à l’autres, montre les mouvements, corrige les interprètes.

 

Instant 6. À l’hôtel de Greffulhe.

Musique : Orchestral Suite N°5-La fête (Jules Massenet)

Louise Élisabeth, Comtesse Greffulhe a généreusement mis sa demeure à la disposition de Diaghilev qui y reçoit ses amis, ses bienfaiteurs, les artistes des ballets russes.

Dans cette ambiance de fête, Ida éprouvée par les répétitions est d’humeur morose.

Ses rapports avec Diaghilev sont de plus en plus difficiles de plus, Ida est persuadée que Karsavina intrigue contre elle.

Dans cette noirceur, Ida voit M.G. la trahir et s’éloigner, son cher Montesquiou malade, mort ? Sa raison s’égare…

Nijinski la rejoint. Ce n’était qu’un cauchemar !

 

Instant 7. La scène du Théâtre du Châtelet, le 1er juin 1909.

Musique : Caligula Op.52-Air de danse (Gabriel Fauré).

 

La fièvre monte, c’est la répétition générale. Michel Fokine règle les ultimes détails, prodigue ses conseils aux uns et aux autres.

Ida se prête aux derniers essayages de son costume.

 

Instant 8. La scène du Théâtre du Châtelet, le 2 juin 1909. La Première de Cléopâtre.

Musique : Whirling Dervish (Omar Faruk Tekbilek).

Distribution de la création.

Cléopâtre : Ida Rubinstein,

Ta-Hor Anna Pavlova,

Amoun : Michel Fokine,

Esclaves favoris de Cléopâtre : Tamara Karsavina et Vaslav Nijinsky,

La Bacchante : Bronislava Nijinska,

La bacchanale : groupe de filles, groupe de garçons.

 

« L’action se passe auprès d’un sanctuaire vénéré situé dans une oasis. Amoûn, jeune seigneur, est amoureux de la prêtresse Ta-hor, qui lui est promise par le grand prêtre. Le jeune couple ne songe qu’à sa félicité prochaine quand arrive, pour accomplir un voeu fait à la divinité du temple, la reine Cléopâtre. Amoûn, subitement frappé de passion, a l’audace de lui envoyer, enroulée autour d’une flèche, une déclaration brûlante. Saisi par les gardes, il va subir le juste châtiment de sa témérité. Mais la reine, touchée par la beauté du jeune homme, lui offre une nuit d’amour sans lendemain. Après avoir réalisé son rêve, Amoûn mourra. Tout à sa passion, Amoûn refuse d’écouter les exhortations de Ta-hor qui voudrait le sauver. Autour de la couche où Cléopâtre et Amoûn sont enlacés se forment des danses voluptueuses. Mais le temps s’écoule et bientôt Cléopâtre tend à son amant d’une nuit la coupe de poison. Elle le regarde durant qu’il agonise, puis se retire. "  Théophile Gautier.

 

Instant 9. Dans la maison d’Ida à Vence.

Musique : From The Middle Ages - The Troubador's Serenade (Alexander Glazunov).

 

Le rideau est tombé, au loin, tous sortent du théâtre.

Ida ovationnée, félicitée, adulée, courtisée… Ida épuisée. Ida seule de cette solitude qui survient à la sortie de scène.

Elle enlève son costume de scène et s’effondre dans un fauteuil.

Dans le lointain, Vaslav Nijinsky s’éloigne du groupe et de Diaghilev en particulier. Sa gestuelle rappelle clairement celle de la marionnette Petrouchka.

Ida paraît absente. Une minute ? Une heure ? Une éternité ! Elle est à Vence au terme de sa vie, hantée par ses souvenirs et plus précisément, par le souvenir de Nijinsky muré dans sa folie depuis de nombreuses années.

Plus l’image de Vaslav se rapproche d’Ida, plus ses gestes deviennent chaotiques, incohérents.

Arrivé auprès d’elle, il s’immobilise hébété. Ida, interloquée, esquisse quelques pas de danse pour attirer en vain son attention. Elle regagne son fauteuil. Subitement, Nijinsky réagit à sa présence par une série de bonds, puis s’écroule aux pieds de son ancienne partenaire. Une fois encore, la dernière sans doute, il sera « le passeur ».

JFV

 

 

 

Bibliographie.

Gérard Abensour : Meyerhold à Paris.

Jean Sutherland Boggs : Van Dongen’s Souvenir de la saison d’opéra russe, 1909.

Richard Buckle : Nijinsky

Violaine Chatoux : Les « ballets russes », un art étranger entre France et Russie.

Jacques Depaulis : Ida Rubinstein, une inconnue jadis célèbre.

Michel Fokine : Mémoires.

Donald Flanell Friedman : Ida Rubinstein, le roman d’une vie d’artiste.

Tamara Karsavina : Ma vie.

Alfred Noe : Marcel Proust.

Peter Wollen : Fashion/Orientalism/The body